La Villa Lebel - «Ar Gwasked»
La famille Lebel à Pors Carn
En 1898, le 8 Mars, Alfred Georges Lebel (o 27Août 1872 †1944) se marie avec Rachel Stapfer (o 18 Juillet 1875 †1958) à la mairie du VIIIème arrondissement de Paris.
Le couple n'est pas fortuné : Alfred est employé de banque et Rachel sans profession...
En 1899, le 7 Janvier voit la naissance, à Paris XVIIeme, de leur premier fils, Hugues qui décède 13 jours plus tard, le 20 Janvier.
En 1902, le 1er Juin voit naître à Paris XVIIeme, Remy, leur second fils, futur co-gérant de la Société de courtage familiale, puis gérant au décès de son père.
En 1904, le 22 Mars voit la naissance, à Paris XVIIeme, d'un troisième garçon, Yves Marc, qui décédera le 23 Mars 1913 à l'âge de 9 ans.
En 1905, le 19 Mai voit naître à Paris XVIIeme, Frédéric, quatrième et dernier garçon de la fratrie, futur Docteur-chirurgien à Mantes-la-Jolie.
En 1912, Alfred Georges Lebel se lance en fondant sa propre société de courtage «Lebel & Compagnie».
Alfred travaille beaucoup, et la bonne fortune est au rendez-vous.
En 1925, le couple Lebel, venu en villégiature à Penmarc'h tombe sous le charme beau et sauvage de Pors Carn. Ce quartier de Penmarc'h est habité par nombre de célébrités et d'érudits, attirés tant par la beauté du lieu que par la proximité du «beau monde» drainé par le Musée et par les bains de mer de Pors Carn, devenus à la mode.
Les Lebel achètent alors plusieurs parcelles de terrain (12.000 m2) à l'extrémité Est de la pointe de Pors Carn.
En 1927, ils s'y font construire une maison type Penn Ty. Contrairement à nombre de leurs voisins possédant des villas plus ou moins ostentatoires, leur maison de pêcheur aux volets bleus, «Ar Gwasked», l'Abri (du vent), ne fait pas «tache» dans le paysage, et s'y intègre plutôt harmonieusement.
«Ar Gwasked» aujourd'hui - Pignon Ouest © JL Guégaden
Nouveau projet
En 1928, Octobre, Alfred Lebel entreprend l'achat des terrains communaux situés entre la mer et les limites nord et est de sa propriété. Il a dans l'idée de bâtir une villa plus prestigieuse (300 m2), face à la mer et il ne souhaite visiblement pas que l'on construise ou que l'on se promène devant chez lui... Le projet de transaction s'effectue en catimini entre M. Lebel, la mairie de Penmarc'h et la Préfecture. L'information tombe «discrètement» par voie de presse.
Journal «La Dépêche de Brest» du 07 Octobre 1928
Réponse aux calomniateurs qui sentent déjà les élections.
Devant Me Pouliquen, notaire à Pont-l'Abbé (Finistère) soussigné,
A comparu:
M. Pierre-Jean Larnicol, demeurant a Saint-Guénolé, en la commune de Penmarch.
Agissant en sa qualité de maire de la commune de Penmarch, et spécialement autorisé à l'effet des présentes, en vertu de la délibération du Conseil municipal du 9 septembre 1928, approuvée par M. le préfet, le 20 du même mois.
Lequel comparant, en cette qualité, a, par ces présentes, vendu sous les garanties de droit :
À M. Alfred Lebel, né à Paris, le 27 août 1872, banquier, demeurant à Paris, avenue de Villiers, n° 81 (XVIIème), ici présent et acceptant.
Désignation. — Tout le terrain se trouvant au nord et à l'est des lots nos 133 et 134 des communaux de Pors-Carn (n° 337 P, section A du plan de Penmarch), appartenant à M. Lebel.
Ce terrain est limité au nord et au levant par le domaine maritime.
Conditions. — Cette vente est consentie et acceptée aux conditions suivantes:
1° M. Lebel sera propriétaire et aura la jouissance du terrain vendu à compter de ce jour, à charge par lui de ne rien construire et à laisser le terrain dans l'état actuel, avec passages publics, suivant les plans de partages des communaux de Pors-Carn ;
2° Il paiera les impôts concernant ce terrain a compter du 1er janvier 1929 ;
3° Et il paiera les frais des présentes et de leurs suites, y compris une copie pour M. le receveur municipal de la commune de Penmarch, et une autre copie pour les archives de cette commune.
Prix. — En outre, cette vente a lieu moyennant le prix de dix mille francs que M. Lebel a payé et entre les mains de M, Adrien Fichet, percepteur de Pont-l'Abbé et receveur municipal de la commune de Penmarch, ici présent ; M. Larnicol et M. Fichet donnent quittance sans réserve à M. Lebel.
Dans le cas où la Société centrale de sauvetage des naufragés, la commune de Penmarch ou toute autre Société reconnue d'utilité publique, voudraient construire sur le terrain vendu un abri pour bateau de sauvetage, avec cale de lancement, M. Lebel s'engage a céder gratuitement le terrain nécessaire à cet effet ; il en sera de même dans le cas où la commune de Penmarch désirerait y établir un port de pêche.
Domicile. — Pour l'exécution des présentes, les parties élisent domicile en l'étude de Me Pouliquen, soussigné.
Lecture des articles. — Avant de clore, Me Pouliquen a donné lecture aux parties des articles 13 de la loi du 23 août 1871 ; 7 de celle du 27 février 1912 ; 7 et 8 de celle du 18 avril 1918 et 360 du Code pénal.
Me Pouliquen affirme qu'il n'est pas a sa connaissance que le présent acte soit modifié ou contredit par aucune contre-lettre contenant une augmentation du prix ci-dessus stipulé. — Et, de suite, les parties ont affirmé séparément à Me Pouliquen, sous les peines édictées par l'article 8 de la loi du 18 avril 1918, que le présent acte exprime l'intégralité du prix contenu.
Dont acte
Fait et passé à Pont-l'Abbé en l'étude, l'an mil neuf cent vingt-huit, le vingt-deux septembre. Et, lecture faite, les parties ont signé avec le notaire.
Le maire, LARNICOL.
Extrait du cadastre de Pors Carn en Penmarch © Cadastre.gouv.fr
Notes KBCP :
Sur la condition :
1° M. Lebel sera propriétaire et aura la jouissance du terrain vendu à compter de ce jour, à charge par lui de ne rien construire et à laisser le terrain dans l'état actuel, avec passages publics, suivant les plans de partages des communaux de Pors-Carn ;
Cette clause me laisse à penser que la commune a vendu ces terrains pour faire plaisir au puissant banquier et au Préfet (entre gens du monde...), cette vente n'ayant aucun effet sur la circulation du public et sur possible constructibilité des terrains.
Sur le Prix :
Dans le cas où la Société centrale de sauvetage des naufragés1, la commune de Penmarch ou toute autre Société reconnue d'utilité publique2, voudraient construire sur le terrain vendu un abri pour bateau de sauvetage, avec cale de lancement, M. Lebel s'engage a céder gratuitement le terrain nécessaire à cet effet ; il en sera de même dans le cas où la commune de Penmarch désirerait y établir un port de pêche3.
(1) Une fois de plus, la commune se prémunit de toute hypothèses sur le futur. Ajouter une 4ème station de la Société de Sauvetage des Naufragés en Mer (SCSN) sur la même commune n'aurait eu aucun sens, sachant que mettre un canot de sauvetage à la mer dans les conditions «Porscarnesques», un jour de tempête ou avec forte houle serait fort dangereux.
(2) Il a été un temps projeté d'y implanter une station des HSB (Hospitaliers Sauveteurs Bretons), équipée pour la surveillance de la plage et des baigneurs.
(3)Quand à mettre un port à cet endroit, en butte aux fureurs de l'océan... un petit peut-être ?
En 1929, le 25 Avril, Remy Lebel épouse Marion Lafourcade-Mason à Paris XVIIème.
En 1931, l'architecte Georges Robert Lefort est en charge du projet Lebel-Stapfer.
La villa sera construite sous licence des Bétons Armés Hennebique (BAH), numéro d'affaire BAH-06-1931.
L'entreprise intervenante sera l'Entreprise Yves Offret, concessionnaire Hennebique.
Les retombées du Krach boursier de Wall Street (24 au 29 Octobre 1929) sonnent le glas du projet, bien qu'il semble que les fondations de la villa aient été commencées, voire réalisées. Pour preuve, leurs vestiges sur ces quelques photos :
Si l'on peut supposer que l'échec de ce projet a dû désoler Alfred et Rachel Lebel, il n'en est pas de même pour la population locale qui redoutait de voir SON Pors Carn une nouvelle fois défiguré par une construction imposante.
En 1934, le 17 Juillet, Frédéric Lebel épouse Odette Louise Juliette Ferrero à Paris XVIIème.
Fin d'une Époque
En 1944, le patriarche Alfred Lebel décède.
En 1945, au retour de captivité de Rémy, celui-ci prend les rênes de la Société Lebel & Co.
Son frère Frédéric hérite de la villa «Ar Gwasked»2 que sa mère Rachel continue de fréquenter.
En 1958, Rachel Lebel décède à son tour.
En 1959, à la demande de Frédéric Lebel, une croix est érigée au coin Nord-Est de la propriété par le recteur Ricou de Saint Guénolé, en mémoire de l'Abbé Michel Stéphan (28 ans), vicaire à Kérity-Saint-Pierre : L'Abbé se noya à Pors Carn le 19 août 1958 en tentant de sauver un enfant prénommé Matthieu1.
Nécrologie de l'Abbé Michel Stéphan
En 1982, le 24 Décembre, le Docteur Frédéric Lebel décède à Mantes-la-Jolie.
En 1989, le 10 Février, Rémy Lebel décède à son tour.
2022 : Il semble qu'«Ar Gwasked» soit restée dans le patrimoine familial des époux Frédéric et Louise Lebel.
Note KBCP :
(1) La semaine religieuse du diocèse de Quimper et de Léon du 22 Août 1958 et du 9 Octobre 1959.
(2) Extrait de l'ouvrage «Penmarc'h, qui se souvient des hommes - 1900-1950» du regretté Gilles Le Guen :
Leur fils Frédéric Mario Lebel, docteur en médecine a Mantes-la-Jolie, hérita du bien qu'il partagea avec son épouse Marie Ferréro. Lors de leurs séjours
à Saint-Guénolé, le docteur Lebel avait pour habitude de hisser sur un mât de bateau un pavillon français pour prévenir la cantonade de sa présence, mât sur lequel était également fixé un anémomètre type Robinson. Le docteur Lebel se lia avec quelques marins locaux, avec qui il pratiquait pour son plaisir la petite pêche ; il devint actionnaire des navires «Krugen» et «Locarec».