LES LEGENDES DE PENMARC'H
LA LEGENDE DE SAINT NONNA
Nonna (ou Vougay) était au VIème siècle l'archevêque d'Armagh en Irlande. Disciple de Saint Dewi (Saint Patron du Pays de Galles.), il voulait vivre une vie de méditations. Pour cela il dut quitter son confort et traversa la Manche pour rejoindre la Bretagne sur un rocher qui lui servit de navire (et oui, n'oublions pas que c'est un futur Saint...). Ce moyen de locomotion peu discret et quelques autres miracles lui amènent la renommée et l'empêche de trouver la tranquillité nécessaire à sa foi. Il reprend la mer à la recherche d'un lieu propice à son ermitage...
Voici la vie de Saint Nonna tirée de l'ouvrage "La vie des Saints de la Bretagne Armorique" d'Albert Le Grand, Dominicain de l'Ordre des Frères Prêcheurs de Morlaix. 1636.
La tradition rapporte que Saint Nonna vécu quelque temps en ermite dans un petit îlot qui porte son nom (Île Saint Nonna -Enez Nonn) et qui se trouve à 1 kilomètre environ du Phare de Saint Pierre. Suivant la même tradition, le Saint, en venant de cet îlot à Tréoultré (Penmarc'h) aurait roulé ou porté dans ses bras un énorme galet que l'on voit encore aujourd'hui entre les deux contreforts de la grosse tour, près des portiques.
Il ne se serait reposé en route QUE deux fois : La 1ère fois à l'endroit où s'élève aujourd'hui la Fontaine Saint Nonna, entre Kergadec et Kerbézec, (un aqueduc souterrain conduisait de l'eau de cette fontaine à Penn-ar-Pont et à Kérity); la 2ème fois, à l'endroit où s'élève, après Kérellec, la croix du Sacre (de 1828 , renversée par la tempête du 8 décembre 1886). On voit près de cette croix un rocher Saint Nonna se serait reposé et sur lequel il a laissé l'empreinte de son coude.
La 1ère église bâtie à Penmarc'h a dû être bâtie à l'endroit où Saint Nonna fit son hermitage, c'est à dire sur l'emplacement de l'église actuelle, à moins que ce ne soit à Pennity, petite chapelle à l'ouest du bourg, près de Porz Lambert. Le mot Pennety signifie oratoire, maison de prières, maison bénite (Bénniget-ty). Kérity : Ville de prière ??
LA LEGENDE D'YSEULT AUX BLANCHES MAINS
Sachez que c'est en Bretagne, à Penmarc'h et nulle part ailleurs, que mourut l'amant incomparable, Tristan de Loonois, le visage tourné vers la mer.
Voici l'histoire...
Par honneur, Tristan s'était durement départi de son amante et amie douce, Yseult la Blonde. Elle était maintenant Reine de Cornouaille, épouse du roi Marc.
Dans la chambre haute du château de Carhaix, il trouva la fille du duc de Hoël, la jouvencelle au corps gent, qui chantait une chanson de toile en brodant à fils d'or de ses blanches mains. Elle avait pour nom Yseult, Yseult aux mains blanches et Tristan la prit pour femme simplement par amour de ce nom. Mais c'était Yseult la blonde qu'il avait au coeur. Et ce fut félonie.
Or, il advint qu'un jour, guerroyant contre le baron Bedalis, il fut navré d'un coup de lance dont il ne cessa de languir. Quand il sut que la vie le quittait, il désira revoir Yseult la bonde. Il manda Kaerden le preux, son beau-frère, lui fit appareiller sa nef pour aller la quérir en Cornouailles d'outre-mer. Ils convinrent que si Kaerden ramenait la reine Yseult, il cinglerait à voile blanche, à voile noire s'il revenait seul.
Yseult aux blanches mains à surpris le secret de Tristan. De douleur, elle se pâme. Tant elle aime son époux qu'elle ne saurait souffrir nulle autre auprès de lui, jusqu'à la port. La graine amère de la vengeance pousse racines dans son sein. Qui lui ferait grief ?
Tristan s'est fait porter sur les rochers de Penmarc'h, qui est le port de Carhaix, dit le conte. Si vous ne croyez pas ce qui est dans les contes, vous n'êtes point prudhommes. Tristan ne vit que d'attente. Ses yeux ne quittent pas l'horizon de mer. Mais l'orage tourmente au large la nef de Kaerden qui vire et louvoie d'amont en aval. Tristan défaille, la mort est proche. On le ramène à son manoir. Yseult, sa femme, est sur le rocher quand apparaît la voile blanche.
- Doux ami, la nef de Kaerden arrive au port. Elle vous apporte la guérison,
- Dites-moi, dame, de quelle couleur est la voile ?
- Beau sire, la voile est toute noire, dit la dame jalouse.
Tristan se tourne vers le mur. Par trois fois, il soupire le nom d'Yseult et libère son âme. En vain, l'épouse aux blanches mains l'accole et le baise. C'en est fait de lui.
La bonde Yseult, la reine, débarque au port de Penmarc'h quand les cloches des moutiers sonnent le glas. Elle s'emerveille du grand deuil qui règne par les rues. On lui dit que le preux Tristan n'est plus. Alors elle monte au palais, aussi vite qu'elle sait, les coiffes pendantes, la guimpe dérangée. Elle écarte l'autre Yseult du linceul, découvre la face de Tristan, lui baise la bouche et s'étend contre lui, corps à corps. A l'instant, elle meurt, pour l'amour de son ami.
Mais l'autre Yseult est morte aussi, pour la même douleur.
Je vous dirai que les goémons fauves de Penmarc'h sont gonflés de larmes et pleurent dans la mer. On n'est point pour la passion de Tristan et d'Yseult la blonde, dont les tombeaux de béryl et de calcédoine sont réunis par la tige vivace d'une ronce, à Tintagel. C'est pour le cr-ve-cœur de l'autre Yseult, la bretonne aux blanches mains, Yseult la simple et la belle, morte d'amour solitaire entre Penmarch' et Carhaix, et qui repose, solitaire, dans sa tombe inconnue.
LA LEGENDE DE FILOPENN DE LA PALUD
Entre la Torche et Penhors, il ya une levée de galets qui sépare la grève de la palud infertile. Entre Penhors et Canté, il y a des bancs de rochers briseurs, couchés au pied des falaise. C'était là, jadis, le domaine de Filopenn, le grand sauvage , qui logeait le diable dans sa tête. Une pièce d'homme, je vous le dis, puisant et rugueux comme un arbre de chêne, et plus près de la bête que du chrétien. Sous le porche de l'église de Tréguennec, marmot sans père ni mère ni parenté, il avait surgie de nulle part, m'est avis. Sur la palud, il s'était bâti une logette de pierres sèches et de bois d'épaves. Nuit et jour, entre la Torche et Canté, il errait avec son croc, dont il fouillait les creux des roches pour se nourrir, gesticulant, pousssant d'énormes cris pour annoncer son approche et faire le vide autour de lui. Il n'était pas méchant. Une fois seulement, un jour de pardon, il était venu à la lutte contre Yann-Bras de Scaër et l'avait étouffé dans ses bras. Ce fut parce qu'il n'était pas maître de sa force.
Une nuit, une barque sans nom et d'une étrange forme vient se crever sur les rochers. Au matin, Filopenn glanait les épaves quand il vit sortir de l'eau, devant Penhors, une fille en haillons. Elle fit quelques pas sur le sable, flaira sans doute une présence proche et courut se remettre à la mer. Filopenn marcha jusqu'à la rencontre des traces laissées par la fille et revient lentement dans sa tanière, en appuyant soigneusement ses pieds nus pour marquer leur empreinte. Ayant fait le chemin, il attendit, confiant. Peu de temps après, la nageuse, épuisée, s'écroulait devant lui sur la couche de varech.
Ils vécurent ensemble, depuis lors. Deux silhouettes farouches coururent les grèves. Aux cris rauques de Filopenn, répondait un cri plus clair et plus perçant. Elle passait des heures à jouer dans les vagues, et , même au cœur de l'hiver, on la vit plonger dans l'écume du Rocher Roux. Les gens de la palud l'appelaient la Fille de l'Eau Salée.
Jusq'uau jour où ils disparurent tous les deux. Il se passa bien du temps avant que quelqu'un s'aventurât vers la cabane de Filopenn, pour voir. Et là, il découvrit la fille, morte sur le varech et d'une effrayante maigreur. Auprès d'elle, accoté au mur de pierres sèches, Filopenn lui tenait les deux mains. Il était mort aussi, mais depuis un instant. Son monstrueux visage était encore verni de larmes.
On les enterra dans l'enclos d'une chapelle de la palud, on ne sait plus laquelle. Ce que l'on sait bien, c'est que, le lendemain, le corps de la fille était retrouvé à même le sol. On l'enfouit dans un trou plus profond. Elle revint à la surface. Alors, quelque sage du lieu proposa de porter sur la grève la Fille de l'Eau Salée, ce qui fut fait. La mer prit aussitôt le corps et plus jamais ne l'a rendu.
Le grand cadavre de Filopenn repose en terre maigre, entre la Torche et Canté. Sans doute s'y trouve-t-il à son aise car il n'a pas essayé d'en sortir. Il faut croire qu'il était de sang breton. Quant à elle, m'est avis que je ne dois pas en dire un mot de plus. Je ne suis qu'un pauvre homme de la palud.
Dans leurs jeux, les enfants disent encore et sans rien y comprendre :
Filopenn, chalopenn, an diaoul en e glopenn,
Gant Merc'h an Dour Zall, ken diaoulez hag all.
(Filopenn, grande bête, le Diable dans sa tête,
Et la Fille de l'Eau Salée, autant que lui endiablée.)