LES SOCIETES DE SAUVETAGE EN MER EN FRANCE
Le XIX ème siècle vit la naissance de l'industrialisation. Les transports des minerais, des combustibles, des biens manufacturés et des marchandises d'une façon générale, explose. Les transports maritimes sont un vecteur important du développement. En même temps que s'accroît le trafic maritime, les accidents et naufrages augmentent. Quelques terribles naufrages feront prendre consciences à quelques particuliers-humanistes qu'il est temps de passer du rôle de spectateur éploré à celui de sauveteur actif. L'émergence des Sociétés de Bains de Mer n'arrange rien, quant au nombre de victimes de la mer.
Beaucoup de Sociétés de Sauvetage naîtront avant la fin de ce siècle. Toutes sont humanistes et ont le même but : sauver des vies humaines, gratuitement, bénévolement. Leur financement ? Presque toujours le don et le legs.
Certaines sont plus riches que d'autres. Les moins riches souvent les plus petites, les plus éphémères. Certaines même n'ont pas laissé de souvenirs dans les mémoires !
Alors, si j'oublie quelques unes de ces dernières, je ne perd pas de l'esprit que toutes ces obscures et oubliées Sociétés étaient peuplée de "gens de bien" se démenant pour mener à bien leur mission et que nombre d'entre eux sont morts pour sauver leurs frères humains. Ceci mérite notre respect.
LA PREMIERE SOCIETE DE SAUVETAGE EST BRITANNIQUE
1824 - C'est la création de la "Royal Institution for the Preservation of Life from Shipwreck" (Institution Royale pour le Sauvetage de la Vie des Naufrages) : Elle a été financée grâce à un appel à la Nation *, lancé par Sir William Hillary. Elle deviendra plus tard la "Royal National Lifeboat Institution" (Institut National du Bateau de Sauvetage). Les Anglais ont déjà une bonne expérience des canots de sauvetages qu'ils perfectionnent depuis 1789, notamment par Henry Greathead, celui que l'on reconnaît comme l'inventeur du canot de sauvetage insubmersible. La principale qualité de ce canot de 9,14 m, large de trois mètres et pointu des deux bouts, est d'être insubmersible, grâce à un doublage intérieur en liège et l'adjonction d'une ceinture de défense également en liège. Les Anglais fourniront nombre de Sociétés de Sauvetage Françaises en canots et en plans Anglais. En 1803, 31 canots de ce type ont été construits par les chantiers Greathead.
La RNLI est, de nos jours, toujours en activité...
(* Appeal To The British Navy On The Humanity And Policy Of Forming A National Institution For The Preservation Of Lives And Property From Shipwreck)
LA SOCIETE HUMAINE ET DES NAUFRAGÉS
En France, l'histoire du Sauvetage en Mer débute à Boulogne-sur-Mer en 1825 avec la naissance de la Société Humaine et des Naufragés de Boulogne.
(La Société Humaine et des Naufragés du Havre est fondée sur le même modèle, la même année, par sa Chambre de Commerce)
M. Vasseur, Maire, en est le Président fondateur. Son Comité directeur est Franco-Britannique :
La Société Humaine de Boulogne-sur-Mer entretient donc des liens privilégiés avec ses voisins Anglais, du fait de liens issus de la proximité des côtes Anglaises et, comme mentionné plus haut, de leur avance en matière de bateaux de sauvetage.
Dans ses débuts, la Société a peu de moyens mais fait son possible, particulièrement sur les plages des bains de mer, équipées de doris et de treuils légers.
1833. En août, c'est le terrible naufrage de l'"Amphitrite" face à Boulogne-sur-Mer, un naufrage qui a particulièrement ému l'opinion publique et les sauveteurs, impuissants, aux moyens inadaptés.
Une opinion publique qui contraint le gouvernement à prendre rapidement position dans la lutte contre les naufrages.
1834. Le Ministère de la Marine finance et confie à la Société, le canot "Amiral de Rosamel"...sur plans Anglais, forcément ! C'est le premier "vrai" Canot de Sauvetage de France.
La Société gardera son indépendance au sein de la future SCSM et ensuite de la SNSM.
La Société est toujours en activité et garde aujourd'hui encore un conseil d'administration franco-britannique.
LA SOCIETE HUMAINE DE SAUVETAGE DES NAUFRAGES
Le 16 mai 1834, la "Société Humaine de Dunkerque" est fondée à ... Dunkerque par Louis Carlier et Jean-Benjamin Morel-Agie, Négociant, Président du Tribunal de la chambre de commerce. Jean-Benjamin Morel-Agie en sera le premier président, en même temps qu'il sera le vice-président de la Société Internationale des Naufragés.
Le domaine d'activité de la Société couvre la surveillance des plages comme le sauvetage aux abords de la côte.
La Société assure le sauvetage aux abords du port. Les sociétaires donnent des cours de natation et assurent la protection des baigneurs des bains de mer. Ils recherchent et enseignent les nouvelles techniques de sauvetage pour les mettre en oeuvre.
En 1875, elle est rattachée à la Société Centrale de Sauvetage des Naufragés.
Quelques grands ports tels :
- Calais, Société fondée le 22 Août 1834 par M. Leveux, maire,
- Le Havre, société fondée en 1834 et commande un canot aux chantiers Greathead. En 1844, un canot est installé aux Neiges. En 1863 il y a 3 canots au Havre : Un canot Grethead, un "Lahure", un "Moué",
- Bayonne, société fondée en 1834 par M. A. Darmentières,
- Dunkerque, société fondée en 1834 par M. Carlier,
- Dieppe, société réactivée en 1839 par M. le Docteur Novet (cette société, fondée en 1775 avait abandonné son activité). En 1836 la ville sollicite l'Etat pour l'acquisition d'un canot de sauvetage qu'elle recevra en Mars 1837. Elle en fait don à la société Humaine en 1840.
- 1863, la Société de Sauvetage Maritime de Provence est fondée.
- Grau du Roi, La Société des Mains Sauveteurs est créée en 1864. Elle ne tardera pas à se joindre à la Société de Sauvetage Maritime de Provence.
- Honfleur, société fondée en 1865.
... conscients du problème, prennent le pas et se dotent bientôt de sociétés analogues.
LA SOCIETE INTERNATIONALE DES NAUFRAGÉS
Septembre 1834 voit la naissance de la Société Internationale des Naufrages. On peut la trouver aussi sous d'autres formes de noms :
Société Générale des Naufragés dans l'Intérêt de toutes les Nations
Société Générale des Naufrages et de l'Union des Nations
Société Générale Internationale des Naufrages
Elle a été fondée par Callistus-Augustus de Godde de Liancourt, médecin et J.-Hippolyte Daniel de Saint-Anthoine.
Selon l'article premier de ses statuts du 2 Janvier 1835, La Société est fondée dans le but de rapprocher les amis de l'Humanité. D'empêcher ou de prévenir les naufrages maritimes et de secourir les naufragés à quelque nation qu'ils appartiennent.
Comme le nom de la Société Internationale le laisse deviner, son Conseil d'Administration est International.
Plusieurs présidents se succèdent à la direction de la Société. Citons, entre autres, Le Comte Callistus-Augustus de Godde de Liancourt ; le Général Comte (Henri-Louis ?) de Chastellux, Pair de France ; le Maréchal Marquis Emmanuel de Grouchy, le Maréchal Baron Pierre Antoine Juchereau de Saint-Denis et le Maréchal Duc André Massénat, les Amiraux Vilaumez, Duperré, Bergeret, Roussin, Ducret de Villeneuve, Arnous de la Bretonnière etc...
Les activités de la Société consistent à former des établissements de Sauvetage dans les principaux ports du Royaume et du reste du Monde. En 1841, il aura ainsi plus de 150 établissements internationaux. Quelques-uns des premiers établissements de métropole :
La société édite des études, comme "La balistique des projectiles porte-amarres" ou "L'asphyxie par immersion" et bien d'autres études.
Le conseil de la Société Internationale est composé de ressortissants de tous pays et est en butte à des luttes d'influences intestines.
Sa rivalité avec la Société Centrale des Naufragés précipite sa chute. La société cesse ses activités en 1841 à la mort de son fondateur.
Médaille, montée en pendentif, gratifiée aux personnes ayant fait preuve de courage et d'abnégation en portant secours à un navire ou un homme en détresse.
Le nom du secouriste était ajouté devant la phrase Latine "Hoc pro nave aut cive servato tulit" (... a mérité cette médaille pour avoir sauvé un navire ou un citoyen).
Elle prit ensuite successivement les noms de Société Centrale des Sauveteurs de France (1845) puis de Société des Sauveteurs de la Seine.
LA SOCIETE CENTRALE DES NAUFRAGÉS
En 1838, c'est la naissance de la Société Centrale des Naufragés sous l'impulsion d'André Castera, Administrateur de la Marine.
Selon l'article premier de son statut, "Le But de la société est de diminuer le nombre et la gravité des accidents de mer par suite des naufrages et d'en prévenir et adoucir les catastrophes."
Le président en est Le Marquis Frédéric Gaëtan de la Rochefoucault-Liancourt, membre de la Chambre des Députés et de la Société de la Morale Chrétienne. On compte parmi ses sociétaires, quelques noms connus : Amiral Dupérré, ministre de la Marine et des Colonies, le Baron Jean Antoine Théodore Gudin, peintre de la Marine, Rigault de Genouilly, Ingénieur, futur président de la SCSN.
La chute est facilitée par un manque de moyens et de motivation aggravés par sa rivalité avec la Société Internationale des Naufragés. La Société est dissoute en 1842, au lendemain de la mort de son initiateur.
1854 : Suite à la mort de son frère dans un naufrage, alors qu'il eut pu être sauvé par la présence du moindre dispositif de sauvetage, le peintre de la Marine Théodore Gudin propose de fusionner toutes ces sociétés en une seule société centrale.
1855 : En février, le naufrage particulièrement dramatique de la Sémillante dans l'archipel des Lavezzi (Sud Corse) marque à nouveau les esprits.
Il faut dire que ce milieu de siècle voit un accroissement important du trafic maritime dû au développement d'une économie florissante : De nombreuses compagnies maritimes sont créées, comme la Compagnie des Messageries Maritimes (1851) ou la Compagnie des Services Maritimes des Messageries Nationales (19-01-1852) qui devient peu après la Compagnie des Services Maritimes des Messageries Impériales (28-02-1853). Les accidents maritimes et les naufrages sont légion.
1861 : Le ministère des Travaux Publics forme une commission inter-ministérielle (Travaux Publics, Marine, Finances) présidée par M. l'Inspecteur général des Ponts et Chaussées Reynaud. Son but est de rechercher les mesures les plus propres à assurer un service complet de sauvetage sur le littoral.
1864 : La commission rend son rapport. Dans ses conclusion, elle indique "que la solution la meilleure serait de confier la création et la direction du service de sauvetage à l'initiative d'une Société privée à laquelle le concours de l'Administration serait acquis" : La centralisation devient évidente afin de rationaliser les ressources humaines et moyens matériels...
Se rappelant du projet de centralisation évoqué en 1854 par Théodore Gudin, le Ministre de la Marine pria ce dernier de bien vouloir reprendre son projet... Ce qu'il fit. Dans son atelier de la rue Beaujon, il réunit quelques hommes de bonne volonté pour fonder la Société Centrale de Sauvetage des Naufragés.
Eugène Rouher, Ministre de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux Publics, présente les décrets de reconnaissance d'utilité publique des premières sociétés de sauvetage, action poursuivie par Louis Henri Armand Behic, son successeur.